Oktatói Hálózat

La Hongrie tourne le dos à l’Europe

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Le démantèlement de la culture de l’éducation, de la science et des medias en Hongrie. 2010-2019
Résumé

Ce rapport a été préparé par des intellectuels hongrois indépendants qui souhaitent informer la communauté hongroise et internationale, le public et les institutions européennes sur les graves dommages causés par le régime Orbán qui régit la Hongrie depuis 2010, dans les domaines de l’éducation, des sciences, de la culture et des médias.

La raison qui a présidé à la publication de ce rapport est que les actes posés par les gouvernements successifs d’Orbán sont systématiquement contraires aux principes, valeurs et normes fondamentaux de l’Union européenne, qu’ils violent consciemment. Ceci non seulement en ce qui concerne le droit et les droits politiques et sociaux, mais aussi dans les domaines culturels évoqués ici. En Hongrie, d’importantes valeurs sont menacées, notamment la diversité culturelle, l’autonomie scientifique et artistique, le respect de la dignité humaine, l’accès à l’éducation et à la culture, les conditions de mobilité sociale, l’intégration des groupes sociaux défavorisés, la protection du patrimoine culturel et le droit à une information équilibrée, ainsi que des normes démocratiques telles que la garantie du dialogue social, la transparence et la subsidiarité. En présentant les activités du régime Orbán dans les domaines de la culture, de l’éducation, de la recherche et des médias, nous fournissons des informations dans des domaines peu connus du public international. Avec notre rapport, nous souhaitons attirer l’attention sur le fait qu’un système autocratique a été construit et consolidé en Hongrie avec l’argent des contribuables de l’UE et avec le soutien politique des institutions de l’UE. Ce système crée un déficit démocratique inquiétant et de graves problèmes sociaux, ainsi que des dommages irréparables dans les domaines de l’éducation, des sciences et de la culture.

Les auteurs du rapport sont d’éminents chercheurs, conférenciers et experts reconnus, dont plusieurs universitaires, professeurs, chefs de département et ancien ministre de la Culture. Cette entreprise a été initiée et coordonné par le Réseau hongrois des universitaires.

Politique culturelle

Le rapport affirme que le régime d’Orbán ne considère la culture ne compte que comme un moyen de l’aider à atteindre ses objectifs politiques. L’approche gouvernementale de la culture est bien illustrée par le fait que l’éducation, la recherche, les arts, le patrimoine culturel ainsi que les soins de santé et les services sociaux appartiennent tous au même ministère.

Les processus observés dans différents domaines de la culture (compris au sens large) présentent plusieurs similitudes. Une forte centralisation s’est produite dans tous les domaines au cours des dix dernières années, même de manière légèrement différente.

La volonté politique centrale est assurée par une réorganisation radicale de la propriété: dans certains cas, les objectifs politiques à court terme du gouvernement sont mieux servis par la renationalisation (par exemple, la nationalisation des écoles auparavant gérées par des gouvernements locaux), dans d’autres, le gouvernement interfère avec le marché privé par le biais de transactions complexes conduites par des oligarques (par exemple, l’achat de médias d’opposition), ou il peut même privatiser d’anciennes institutions publiques ou gérer à travers des fondations (par exemple, dans l’enseignement supérieur). Outre la nationalisation, une autre méthode typique consiste à externaliser certaines fonctions culturelles publiques (par exemple, les églises établies jouent désormais un rôle clé dans l’éducation).

Outre la transformation des relations de propriété, la gestion des espaces culturels se caractérise par une extrême centralisation et un contrôle direct. La prise de décision, même sur des questions mineures, est remontée aux niveaux supérieurs de l’administration publique, ce qui a des conséquences irrationnelles et se traduit souvent par une incapacité à fonctionner correctement. La centralisation extrême s’accompagne d’un dilettantisme qui conduit à des situations chaotiques. Le régime d’Orbán n’a pas d’experts de la politique culturelle avec une vision claire du rôle de l’État dans la préservation et le développement de la culture ni de l’importance et des limites de ce rôle, ou qui pourraient comprendre l’importance du maintien des autonomies inhérentes à ce secteur.

Le régime d’Orbán politise tous les aspects de la culture, abolissant ainsi l’autonomie de certains espaces culturels. Sa politique culturelle ne repose pas sur les caractéristiques et critères spécifiques des différents domaines culturels, mais ne prend en considération que la fidélité au régime des personnes engagées dans des activités culturelles. Comme dans tous les autres domaines, les consultations professionnelles ont été éliminées du processus décisionnel dans le domaine culturel; et cela a conduit à une série de décisions irréfléchies qui ne servent que les intérêts des personnes et des groupes proches du Premier ministre et conduisent à des situations chaotiques.

Au lieu de viser à conserver, à préserver ou à protéger, le régime Orbán aborde la culture avec une volonté de transformer, une attitude de réinterprétation radicale. Le volontarisme du régime provient à l’évidence du fait qu’il ne peut pas atteindre ses objectifs à travers les institutions déjà existantes, intégrées et relativement autonomes. Il installe donc de nouvelles institutions parallèles et réaffecte des ressources publiques à ces dernières.

Politique symbolique

La politique symbolique a un rôle clé dans le maintien du régime Orbán. Elle se concentre sur la cohésion nationale, la construction nationale, l’unification ethnique de la nation au-delà des frontières et le renforcement symbolique du rôle de La Hongrie comme puissance moyenne dans le bassin des Carpates. La politique nationale officielle considère les Hongrois vivant hors des frontières comme faisant partie du «corps de la nation», tandis que la citoyenneté hongroise accordée à ces minorités et le soutien important apporté à leurs institutions par l’État hongrois servent les objectifs politiques internes et externes du Fidesz.

Le régime se caractérise par l’appropriation sans scrupules des symboles nationaux et la sacralisation du pouvoir.

Le discours du gouvernement définit la cohésion nationale sur la base de la race et de l’ethnicité, construite sur les symboles de la préhistoire et des légendes hongroises. En attendant, l’opposition est exclue de la nation et est présentée comme un ennemi servant les intérêts étrangers.

La communication gouvernementale fait de sérieux efforts pour maintenir continuellement la psychose de la peur et de la menace. De la même façon que dans les dictatures totalitaires, des affiches simplistes et des dépliants répétant des messages composés de quelques mots jouent un rôle important dans la communication politique du Fidesz. Les propagandistes du Fidesz utilisent un large éventail de moyens d’occupation linguistique de la sphère publique, de la création de nouveaux mots à la militarisation de l’usage public, en passant par des métaphores pathétiques et kitsch, l’utilisation de boucs émissaires et la déshumanisation de leurs opposants politiques. Ces moyens ont également été mis à profit dans les campagnes de haine contre les réfugiés, contre George Soros et contre Bruxelles.

Les discours d’Orbán et la communication du gouvernement désignent des ennemis de façon répétée en exagérant la signification de leurs actions en les accusant de participer à une conspiration globale. La guerre contre les intellectuels critiques est menée non seulement par des interventions volontaristes et administratives dans le domaine de la culture, mais aussi au moyen de politiques symboliques et de propagande. Des groupes d’intellectuels et des organisations civiles indépendantes sont régulièrement visés par l’empire médiatique financé par le gouvernement.

Les politiques symboliques et la propagande omniprésente visent principalement à assurer la loyauté des groupes aux niveaux les plus bas de la hiérarchie sociale, alors qu’en réalité, les inégalités sociales deviennent de plus en plus visibles, et que la politique économique et sociale focalisée sur les intérêts de la classe moyenne nationale, élimine les formes élémentaires de solidarité du système de redistribution publique, néglige et même méprise les pauvres et les défavorisés.

Le gouvernement Orbán a impliqué les églises dans sa guerre culturelle, les mettant au service d’une reconversion idéologique. Le régime exploite le sentiment religieux pour sa propre légitimation, la sacralisation du pouvoir et la justification de son intemporalité et de son incontestabilité.

Éducation publique

Les interventions radicalement centralisatrices, arbitraires et pré formatées du gouvernement Orbán ont causé de graves dommages à l’éducation publique, aggravant l’effet de la réduction sensible des ressources. L’éducation publique n’est plus capable de former les jeunes à développer leur curiosité, à garder un esprit ouvert et à rester tournés vers l’avenir d’une société moderne fondée sur la connaissance, dans des domaines différents et adaptés.

Après 2010, les écoles des gouvernements locaux ont été renationalisées et soumises à une institution centralisée à l’extrême. La gestion dictatoriale de l’éducation depuis 2010 a conduit à de graves violations des droits des élèves, des enseignants et des parents, tandis que les organes de consultation professionnelle et les forums de coordination ont cessé d’exister. Les mesures centrales ont rendu obligatoires les programmes-cadres qui ont restreint l’autonomie du personnel enseignant, ont aboli le marché des manuels et surchargé considérablement les enseignants par l’augmentation du travail administratif. Les écoles n’ont donc plus la possibilité de mettre en œuvre des stratégies pédagogiques adaptées aux capacités de leurs élèves. Le gouvernement a mis l’éducation publique au service de ses propres objectifs idéologiques : ses interventions dans le curriculum ne visent pas à actualiser le matériel et les méthodes pédagogiques, mais au contraire à endoctriner avec des contenus obsolètes et extrêmement conservateurs.

Bien que l’objectif déclaré soit d’accroître l’égalité des chances, les enquêtes PISA révèlent un écart grandissant entre les performances des élèves issus de milieux sociaux et d’établissements différents.

L’obligation d’éducation a ramenée de 18 à 16 ans, la désagrégation des programmes et le traitement préférentiel donné aux établissements d’enseignement religieux, n’ont fait qu’accroître la ségrégation, renforçant encore les handicaps de ceux qu’on laisse en arrière.

Le temps matériel quotidien passé à l’école a considérablement augmenté, avec pour conséquence une surcharge de travail pour les élèves et les enseignants.

L’enseignement professionnel est drastiquement simplifié à l’extrême et la proportion de matières générales est réduite au minimum.

Les élèves et les enseignants ont manifesté contre la charge de travail accrue, le temps passé à l’école, les heures d’enseignement obligatoires et l’administration en augmentation.

L’enseigment supérieur

Le régime actuel se méfie des universités et des intellectuels et sous-estime l’importance sociale des connaissances ainsi que les valeurs européennes de liberté d’apprentissage, d’éducation et de recherche. Les universités sont maintenues dans une dépendance financière, exécutant docilement les intentions du gouvernement. Celui-ci dirige et contrôle le fonctionnement des institutions, en nommant des chanceliers financiers à côté des recteurs, et restreint ainsi sérieusement l’autonomie des universités.

La méfiance envers les intellectuels se manifeste également dans les mesures prises délibérément par le gouvernement pour réduire les possibilités d’accès à l’enseignement supérieur. Donc, en Hongrie – à l’inverse des tendances internationales et européennes – le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur diminue. Cela signifie principalement que les jeunes issus de milieux sociaux et culturels moins favorisés sont exclus de l’enseignement supérieur.

Le gouvernement tente de limiter ou d’entraver les activités des établissements d’enseignement jugés dangereux ‒ notamment les sciences sociales – en obligeant les étudiants à payer les frais de scolarité de certaines disciplines, en créant des institutions parallèles et par des moyens administratifs (par exemple, l’expulsion de l’Université d’Europe centrale (CEU) de Budapest). Afin de former les fonctionnaires à servir docilement la politique du gouvernement, l’Université nationale de la fonction publique (Nemzeti Közszolgálati Egyetem – NKE) a été créée et est largement financée, tandis que les professeurs d’autres universités doivent travailler pour des salaires humiliants, dans des bâtiments aux infrastructures et aux équipements obsolètes.

L’internationalisation de l’enseignement supérieur occupe une place importante parmi les objectifs gouvernementaux explicites, non pas en vue de l’intégration dans l’Espace européen de l’enseignement supérieur mais pour servir la politique gouvernementale de renforcement des relations politiques et économiques avec l’Afrique et l’Asie.

La recherche

Le gouvernement s’efforce de renforcer le contrôle politique et de restreindre les autonomies professionnelles et institutionnelles dans le secteur scientifique également. À la suite d’une rattachement antérieur d’OTKA (le Fonds hongrois de recherche pour les sciences et les sciences humaines, responsable du financement de la recherche fondamentale) à un organisme gouvernemental, l’exclusion du réseau des instituts, de L’Académie hongroise des sciences (Magyar Tudományos Akadémia – MTA) a été le scandale des deux dernières années.

En juin 2018, des attaques idéologiques contre des chercheurs universitaires et des institutions sont apparues dans les médias affiliés au gouvernement.

Peu de temps après, le gouvernement – en violation de la législation en vigueur – a bloqué les deux tiers de l’aide budgétaire, fixée par la loi, à l’Académie hongroise des sciences, somme destinée à financer ses 15 instituts de recherche. Un an plus tard, malgré la résistance de l’Académie et les protestations de la communauté scientifique hongroise et internationale, le gouvernement a forcé la séparation du réseau de recherche du MTA par une nouvelle loi. Un nouveau cadre institutionnel a été créé pour les instituts de recherche qui les a placés sous la tutelle d’un organisme dont la composition garantit que les intentions du gouvernement seront mises à exécution ; son président est le conseiller scientifique personnel de Viktor Orbán. Avec cette réorganisation, la liberté de recherche peut être sévèrement restreinte. Cela contredit les principes énoncés dans la Loi fondamentale de la Hongrie.

La nouvelle structure institutionnelle permet au gouvernement d’accéder directement aux fonds provenant de l’international, en particulier d’Horizon Europe, du programme-cadre de recherche et d’innovation de l’Union européenne. Les déclarations du ministre révèlent une intention de restreindre la recherche fondamentale et de soutenir des recherches en technologie et sciences naturelles.

Outre le contrôle strict des institutions académiques, le régime Fidesz utilise également une autre méthode dans le domaine de l’histoire et des sciences sociales: elle a fondé un réseau alternatif d’instituts de recherche afin de renforcer sa propre politique mémorielle, tout en excluant ceux qui s’opposaient à cette politique mémorielle. Ces mesures ont pour but d’assurer l’hégémonie de l’interprétation officielle de l’histoire et de conférer une apparence de légitimité scientifique aux récits de l’histoire hongroise réécrits par le gouvernement.

Les arts

La répartition des fonds publics dans le domaine des arts est très centralisée et se fonde également sur des critères politiques. Elle se caractérise par un manque de transparence qui la rend souvent impossible à retracer; de ce fait, la répartition des ressources entre les acteurs du secteur est très inégale.

Le gouvernement a assuré sa majorité des deux tiers dans tous les conseils qui décident du financement de la culture en soumettant le Fonds culturel national auparavant indépendant (Nemzeti Kulturális Alap ‒ NKA) au ministère des Ressources humaines (Emberi Erőforrások Minisztériuma ‒ EMMI) et en donnant à l’Académie hongroise des arts (Magyar Művészeti Akadémia – MMA), fidèle au gouvernement, un tiers des voix dans tous les organes de décision. Ainsi, le MMA a une influence considérable sur la culture et les arts sans avoir acquis une réelle compétence culturelle, malgré son financement public excessif. Il est préoccupant de constater que le Fonds culturel national relève d’un budget dit ministériel, sans aucun contrôle de la profession sur son utilisation.

Depuis 2010, la majorité gouvernementale règne sur les conseils qui nomment les directeurs de théâtre, suscitant régulièrement l’indignation par leurs décisions.

Le régime d’imposition des sociétés (TAO), introduit en 2009, qui, malgré ses inconvénients, avait constitué une source de revenus stable pour les compagnies théâtrales, a été aboli en janvier 2019 et remplacé par un financement central basé sur les préférences politiques. Ce changement a touché principalement les compagnies indépendantes, tandis que son premier bénéficiaire était le Théâtre national, qui a une direction de droite depuis 2013, mais a rencontré un succès modeste dans la vente de billets.

Dans le domaine de la musique, les relations informelles revêtent une importance croissante dans l’allocation des ressources, les membres des conseils professionnels ne sont pas nommés par consensus et la composition de ces conseils garantit rarement un contrôle professionnel.

Les coûts de maintien des institutions de musique classique sont élevés, les productions sont chères et le parrainage privé n’étant pas développé, la dépendance à l’égard de l’État est plus importante dans ce domaine que dans celui de la littérature ou des beaux-arts. La solide dépendance financière, le manque de transparence du système de candidature et des procédures décisionnelles très personnelles forcent les participants à développer une loyauté politique et à faire du lobbying.

Le gouvernement n’est pas réticent à parrainer la musique, des montants importants sont dépensés pour le soutien de la musique classique, mais leur distribution est ponctuelle et arbitraire. Des dirigeants nommés pour des questions politiques et leurs activités professionnelles sont controversées. Dans le même temps cependant, la vie musicale ne s’est pas caractérisée par la destruction et la prise de contrôle, ce qui pourrait s’expliquer par le fait que la plupart des styles musicaux classiques ne peuvent être instrumentalisés pour servir directement une politique.

Dans le domaine de la littérature, des milliards ont été alloués à deux institutions dirigées par des gestionnaires littéraires ouvertement pro-gouvernementaux. La plupart des projets de développement des talents dans le bassin des Carpates Ltd. ont été des échecs jusqu’à présent, et le Musée de la littérature Petőfi est destiné à devenir un «centre de pouvoir littéraire». Il est également prévu de créer l’agence littéraire Petőfi au sein de ce dernier, ce qui n’est pas encore clarifié à l’heure actuelle. Parallèlement, on a considérablement réduit le financement des associations littéraires créées après le changement de régime et engagées dans la culture démocratique.

Dans le domaine des beaux-arts contemporains, la sélection politique fonctionne de manière secrète et d’autant plus efficace: il n’y a pas assez de ressources, de partenaires institutionnels, d’espaces d’exposition et de publicité, les conditions du travail de création artistique n’ont donc pas les garanties institutionnelles de la liberté artistique.

Le gouvernement Orbán a également centralisé l’allocation des fonds publics pour la production cinématographique: l’ancienne fondation publique qui était gérée comme une organisation sociale et professionnelle a été remplacée par le Film Fund, géré par le commissaire du gouvernement pour le cinéma Andy Vajna. Malgré cela, le financement des films a été beaucoup moins influencé par la politique gouvernementale que prévu, tandis que l’évaluation par les critères introduits par Vajna se sont révélés efficaces et ont donné un coup de fouet à la production de longs métrages hongrois. Néanmoins, on peut soupçonner que la personne et l’influence de Vajna ont encore renforcé l’hégémonie des films américains en Hongrie et les pratiques introduites semblent souvent contredire explicitement les recommandations du Conseil de l’Europe sur la politique nationale du film. En outre, il n’est pas de bon augure pour l’avenir qu’après la mort de Vajna les experts qui avaient un statut professionnel, ont quitté le National Film Fund et ont été remplacés par des personnes professionnellement insignifiantes.

L’héritage culturel

Comme il n’y a pas de ministère chargé de la culture, les professionnels des musées n’ont même pas la possibilité de faire connaître aux décideurs leur avis sur l’orientation prise par le développement des établissements et le réseau des institutions dans son ensemble. La loi de 2013 sur les musées n’exige plus un diplôme spécifique pour les directeurs de musée. Ce sont donc des personnes fidèles aux cercles politiques, économiques nationaux ou locaux dominants. Les questions de pouvoir et de représentation ainsi que les objectifs touristiques et commerciaux remplacent les points de vue professionnels dans la gestion des musées. La loi de 2013 a aboli les organisations de musées de comté (dans lesquelles les petits musées d’un comté étaient affilié à un musée central), et ces musées sont désormais gérés par les villes. L’État a saisi la propriété de collections et de biens, à l’exception des musées des grandes villes. Les autorités locales ont fermé des parties de collections en arguant de raisons liées au développement immobilier (par exemple la section représentant les maisons et la vie quotidienne des Finno-ougriens le musée en plein air de Zalaegerszeg). Le gouvernement crée de nouveaux musées sans consulter les personnes concernées et prend des décisions concernant la relocalisation des collections nationales afin de poursuivre ses propres objectifs politiques et de répondre aux besoins financiers et aux intérêts des membres influents du parti et des entrepreneurs. Les musées à la campagne subsistent à peine et la recherche a été mis en veilleuse. Les musées sont sous-financés, le salaire initial des professionnels titulaires d’un diplôme universitaire est au niveau de subsistance, tandis que la charge de travail est irrationnellement élevée.

L’activité principale de la Bibliothèque nationale Széchényi est la collecte et la conservation de l’héritage culturel des documents écrits en hongrois. Sous-financée, la bibliothèque ne peut pas effectuer cette tâche. Son budget d’acquisition officiel est de 0 (zéro) HUF depuis 2006. Même la valeur nominale de son budget annuel diminue depuis environ 6 ans, tandis que sa dette a atteint 700 millions de HUF. En conséquence, la bibliothèque ne peut même pas payer à ses employés les salaires légalement garantis.

Le déplacement de la bibliothèque nationale Széchényi du château de Buda fait partie de la politique symbolique du gouvernement: les institutions scientifiques sont obligées de quitter le quartier du château de Buda pour pouvoir être remplacées par des bureaux gouvernementaux.

Cela dit, la construction d’un nouvel édifice pour accueillir la bibliothèque nationale serait une décision justifiée. La bibliothèque Nationale Széchényi ne peut plus effectuer ses tâches à son emplacement actuel et ses installations de stockage sont totalement remplies. Cependant, à la place

En érigeant un bâtiment de bibliothèque à jour de 21 siècles, le gouvernement a choisi une solution moins chère, c.-à-d. une bibliothèque vers un autre emplacement. Ce n’est pas une solution réalisable, car les bâtiments mentionnés dans la presse de temps en temps (par exemple, anciennes casernes militaires) ne conviennent pas pour abriter la bibliothèque nationale.

2012 a vu la suppression de la seule institution centrale de protection des monuments historiques hongrois, qui existait depuis 1872. À la suite de décisions et de réorganisations pour la plupart ponctuelles, irresponsables et souvent chaotiques, l’organisation professionnelle de la protection des monuments historiques a été complètement érodée depuis 2010, et les décisions professionnelles ne peuvent pas aller à l’encontre de la volonté politique. Il n’y a que peu de projets individuels – soutenus par une propagande massive – au niveau national, pour la plupart des reconstructions entièrement inutiles de bâtiments détruits depuis longtemps, qui ne peut apparaître comme un véritable travail de conservation des monuments historiques, mais qui est très coûteux et contribue à créer une fausse conscience nationale. La protection nationale institutionnalisée des monuments historiques a pratiquement cessé d’exister en Hongrie.

Les médias

Depuis 2010, le Fidesz a levé des fonds publics pour son propre empire médiatique, qui couvre aujourd’hui environ 75% du marché des médias politico-publics. Les publicités d’État coûtent des centaines de milliards de dollars par an, dont la plupart bénéficient aux médias proches du gouvernement, tandis que les multinationales et les sociétés hongroises cèdent à la pression politique et tendent à dépenser la majorité de leurs investissements publicitaires dans les médias pro-gouvernementaux. Les quelques médias indépendants restants essaient de survivre sans revenus publicitaires.

Les médias financés par l’argent public sont devenus ouvertement un instrument de propagande du gouvernement. Ils n’ont aucune exigence liée au service public, leur activité d’information est unilatérale, biaisée et partielle, des nouvelles importantes sont souvent cachées, tandis que régulièrement, l’information est déformée et le public trompé.

L’ambition délibérée du parti au pouvoir, qui influence directement ou indirectement la majorité du marché des médias, est d’évincer les médias dignes de confiance, fiables et basés sur la valeur de l’espace public et pour remplir leur espace de tabloïds superficiels de faible qualité qui proposent des informations prêtes à l’emploi et simplifiées qui exploitent les peurs et sont basées sur des mensonges et des demi-vérités.

Le rapport montre qu’au cours des dix années écoulées, depuis 2010, les activités du gouvernement hongrois dans les domaines de la transmission des connaissances, de la création et de la préservation du patrimoine culturel ont fait reculer le pays de plusieurs décennies.

Les institutions culturelles autonomes et les professionnels qu’elles emploient ont subi d’énormes pertes, se sont épuisés à maintenir la résistance à gauche, et il leur reste peu d’énergie.

Le régime d’Orbán, bien qu’il porte le masque du christianisme et s’entoure des apparences de la démocratie, a tourné le dos à l’Europe, au progrès, aux valeurs de culture et de civilisation universelles, à travers son exclusivisme ethno-national, son opposition aux Lumières, son anti‐humanisme radical et son refus de la solidarité humaine élémentaire avec ceux qui en ont besoin, que ce soit les Hongrois ou les réfugiés. Le présent aperçu des développements en Hongrie peut avoir une signification plus vaste que lui-même : il peut servir de récit édifiant sur les conséquences à long terme que l’on peut attendre quand le populisme devient la force dirigeante d’un pays, en démantelant le système de freins et contrepouvoirs et en utilisant les institutions culturelles pour servir ses propres objectifs politiques.

Extrait du rapport publié par des personnalités contributeurs:
Iván Bajomi, András Bozóki, Judit Csáki, Zsolt Enyedi, István Fábián, György Gábor, Anna Gács, Péter Galicza, Gábor Gyáni, Andrea Haris, Mária Heller, Tamás Jászay, István Kenesei, Gábor Klaniczay, Dénes Krusovszky, Kata Kubínyi, Valéria Kulcsár, Pál Lővei, András Máté, József Mélyi, Gergely Nagy, Erzsébet Pásztor, Gábor Polyák, Péter Radó, Ágnes Rényi, András Rényi, Ildikó Sirató, Éva Tőkei, András Váradi, Mária Vásárhelyi

Traduction de l’anglais: Martine Cerf